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1 - La Réunion, hier et aujourd'hui, un projet de conservation des orchidées

En plein océan Indien, La Réunion est un territoire exceptionnellement riche en végétation. Île volcanique édifiée par 3 volcans actifs, le volcan des Alizés aujourd'hui disparu, le Piton des Neiges, le plus haut massif culminant à 3070 m actuellement endormi et le Piton de la Fournaise, actif.

Près de 3 millions dʼannées auront permis de transformer les roches volcaniques émergentes en des refuges de végétation remarquables. Des forêts à grands arbres de basses et moyennes altitudes se sont développées sur toute la ceinture de lʼîle, dans les cirques et sur les plateaux centraux, agrippées souvent à même les falaises.
Les pelouses de graminées, les étendues de mousses et lichens ont atteint les sommets de lʼîle et les zones les plus inhospitalières exposées aux conditions extrêmes d'ensoleillement et de dessèchement. Le cortèges des plantes pionnières ne craint pas quant à lui les abords des coulées de laves à peine refroidies ou les embruns salés du battant des lames rythmés par les passages des cyclones.


Des alizés de la côte Est aux pentes instables et falaises abruptes appelées remparts qui marquent toutes lʼîle comme de grandes cicatrices témoignant dʼune érosion unique au monde, La Réunion est une merveilleuse démonstration d'adaptation, de résilience, de survie de son monde vivant.



Arrivées par lʼocéan, les airs et la faune volatile, à raison de lʼintroduction dʼune espèce en moyenne tous les 10ʼ000 ans, les espèces végétales et animales constituent une biodiversité unique au monde. La Réunion est caractérisée par un endémisme majeur des espèces. De plus, certaines dʼentre elles présentent une grande quantité de variations selon l'écosystème auquel elles appartiennent. Les caractères qui les distinguent sont infimes. Cʼest le cas par exemple du genre Benthamia chez les orchidées.



La Réunion compte 180 espèces dʼorchidées parmi les 645 espèces dʼAngiospermes recensées. La Réunion cʼest aussi 253 Ptéridophytes (fougères) et 840 Bryophytes jouant un rôle essentiel régulateur de lʼeau.



Depuis lʼinstallation des hommes au XVII ème siècle et la déforestation, l'expansion de lʼagriculture et actuellement lʼurbanisation croissante qui en résultent, La Réunion nʼéchappe pas à une fragmentation de tous ses habitats et refuges écologiques. Localement les risques liés à lʼactivité volcaniques peuvent être significatifs. Des coulées de lave et des pluies acides représentent le risque principal particulièrement dans le Grand Brûlé.



Bien que 42 % du territoire soient inclus dans le Parc National et donc protégé des aménagements anthropiques, La Réunion fait face, de plus, aux espèces exotiques envahissantes qui ne connaissent pas de frontières. Une centaine dʼespèces invasives végétales sont identifiées et font lʼobjet de campagnes dʼarrachage et dʼéradications chaque année. Elles laissent parfois les sols à nu, vulnérables aux précipitations. Les deltas des rivières et ravines deviennent rouges. La terre, précieuse, sʼen va à lʼocéan. Les lagons sont pollués.



Un grand nombre de facteurs mettent en souffrance le cœur même des dernières forêts primaires où se concentrent notamment les orchidées. Ces dernières sont aussi sous la pression du braconnage pour leur attrait de beauté.



Toutes ces constatations nous ont menées, lʼUniversité de La Réunion, le Conservatoire Botanique National de Mascarin et Kay Orchid flask factory, une entreprise de culture in vitro menée par Camille Depagniat depuis plus de 10 ans à Paris, à réaliser un laboratoire pour la multiplication des orchidées. Le but est de transmettre les connaissances en culture in vitro acquises par Camille sur les espèces botaniques aux étudiants par le biais dʼencadrants universitaires à La Réunion. Les espèces qui sont multipliées sont choisies par le Conservatoire, sur la base de données de vulnérabilité.



Le projet a démarré en 2020 par son concept. Le laboratoire a été monté en 2021 et 2022. Il a accueilli ses trois premières étudiantes en septembre 2021. Les premiers semis ont été réalisés en avril 2022.


Fin 2022, à la venue de Camille Depagniat à La Réunion, un bilan dʼactivité a été présenté au Conservatoire Botanique National de Mascarin de même que les perspectives pour 2023 quant à la réussite des germinations opérées par les étudiantes et encadrants.



LʼUniversité de La Réunion assure la partie pédagogique dans le laboratoire en son sein ainsi que le fonctionnement technique. Camille intervient par ses conseils à distance et par son expertise à La Réunion.



La route est encore longue et le chemin est passionnant.
Parallèlement nous préparons un modèle de projet pédagogique de science participative applicable dans des pays comme Madagascar ou par exemple à Mayotte par envoi dʼétudiants en unités mobiles de culture in vitro. La conception du laboratoire et de la culture in vitro repose sur des matériaux simples et bon marché, faciles à acquérir dans des grandes surfaces. La connaissance est partagée et circule par le biais des jeunes pour les nouvelles générations. Cette démarche d’acquisition de nouvelles compétences n’aurait pu être possible sans l’engagement associatif « Sur les traces de Thérésien Cadet », jeune collectif d’étudiants, d’enseignants et de naturalistes passionnés par la transmission de la connaissance, la sauvegarde et la conservation du patrimoine végétal. Notamment à travers la revalorisation de l’arboretum Thérésien Cadet au sein duquel notre projet tient une place importante.

Photos

Bulbophyllum longiflorum

Bulbophyllum longiflorum, une des espèces en cours de multiplication.

Fabrication avec les étudiants des futurs laboratoires stériles (glove-boxe) pour les manipulations in vitro.

Elaboration des milieux de culture par les étudiants pour les différents semis.

Mise en place par les étudiants de tout le concept de faisabilité de la CIV mobile, besoin, coût, acquisition, délais... avec la mise en pratique à La Réunion.

Préparation d'une capsule pour le semi.

Paysage de l'Est de La Réunion, Takamaka.

 

Polystachya concreta, une des espèces en cours de multiplication.

   R.Mazzucco Gusset
              Chercheure associée                                            
            Université de La Réunion                              
          Laboratoire Géosciences Réunion        
        97490 Saint-Denis, France 

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